Concevoir son projet
Prospection et pré-analyse de faisabilité

Cette partie vous donne les clés afin d'identifier les zones d'implantation adéquates qui permettent de concilier les exigences énergétiques et de biodiversité tout en prenant en compte les enjeux locaux afin que le projet éolien terrestre soit réalisé en s'intégrant au territoire.

Sommmaire

1. Identification de la zone d’implantation

C’est logiquement la toute première étape. Elle est primordiale. Elle consiste à identifier les zones favorables à l’implantation du projet.  La seule existence d’un gisement éolien ne suffit pas. Il faut choisir le lieu en croisant plusieurs facteurs. Le porteur de projet peut bien entendu faire cette analyse lui-même, mais, il peut aussi s’appuyer sur des cartes élaborées par les directions régionales de l’environnement de l’aménagement et des transports (DREAL)(voir exemple de la Normandie). Ces cartes n’ont aucune vocation réglementaire : elles sont indicatives et non opposables. Elles répertorient les gisements de vents, mais surtout, reposant sur des données réglementaires ou administratives existantes, elles couvrent les principaux enjeux liés à l’éolien : distance aux habitations, paysage biodiversité, etc. Ces derniers sont hiérarchisés selon leur portée réglementaire. Ces cartes intègrent également des données techniques comme les capacités de raccordement au réseau électrique. Elles permettent ainsi d’informer sur les zones où les contraintes d’implantation d’un projet éolien sont réduites. 

1.1 Une carte pour identifier les zones du territoire à faibles enjeux les plus compatibles avec l’éolien

Ces cartes permettent ainsi d’identifier les zones :

  • « Incompatibles avec l’éolien » en raison d’interdictions réglementaires ou de la présence d’autres éléments qui ne permettent pas l’implantation des éoliennes, comme le périmètre des abords d’un monument historique.
  • « À fortes contraintes » où le projet, sans être interdit, doit intégrer de forts enjeux liés notamment à la biodiversité comme les zones Natura 2000 ou les zones humides.
  • « À enjeux locaux » dans lesquelles des enjeux spécifiques et locaux nécessitent une attention particulière. Le monteur de projet devra démontrer la compatibilité de son projet avec ces enjeux.
  • « De moindre contraintes », plus favorables au projet par conséquent.

Réaliser des projets sur des zones « à fortes contraintes » ou « à enjeux locaux » est bien entendu fortement déconseillé à tout porteur de projet. Non seulement, cela impliquera la multiplication des études d’impacts, mais aussi, cela renchérira le coût du projet et pourra susciter une forte opposition de la population.

Outre l’existence d’un gisement éolien et les moindres contraintes réglementaires ou administratives, le site d’implantation envisagé doit se trouver à une distance « minimale de 500 mètres de toute construction à usage d'habitation, de tout immeuble habité ou de toute zone destinée à l'habitation telle que définie dans les documents d'urbanisme opposables en vigueur au 13 juillet 2010 [...]. Cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur ». (article 3 de l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.) L’article ne précise pas la distance entre une éolienne et un hangar, une ligne électrique ou d’un accès routier. Il appartient donc au monteur du projet de juger ce qui est raisonnable et acceptable par le Préfet. Cela répond à la nécessité de réduire les impacts en limitant la construction de nouvelles infrastructures électriques ou routières.

1.2 Minimiser les impacts

Au-delà des aspects purement réglementaires, le choix du site se fera pour minimiser les impacts du parc pour l’environnement en général et la biodiversité en particulier lors de la phase de chantier, d’exploitation et de déconstruction. La prise en compte des enjeux environnementaux est primordiale. Il en va de l’intérêt de la biodiversité, mais également du projet lui-même, car des sites à fort enjeu induisent des études plus complexes et coûteuses, des adaptations éventuellement du projet, de potentiel ralentissement ou arrêts de chantiers, des impacts réputationnels pour l’entreprise concernée et des oppositions de défenseurs de l’environnement propres à perturber fortement le chantier et compromettent l’acceptation sociale du projet. 

Ainsi, la phase de chantier peut déranger les milieux naturels et les habitats où vivent des espèces animales et végétales éventuellement protégées. Cela peut conduire certaines espèces à se déplacer pour retrouver des lieux plus propices. La phase de chantier peut entraîner jusqu’à leur perte totale ou partielle. Il faut anticiper cette phase très en amont dans la conception du projet. Mieux vaut donc privilégier un site avec de faibles enjeux biodiversité comme des sites déjà artificialisés : agriculture intensive, paysages fragmentés, pâturages perturbés, friches, anciens terrains militaires, etc.  

C’est pourquoi aujourd’hui, d’ailleurs, environ 80 % des éoliennes mises en service chaque année sont situées en plaine agricole.

Naturellement, les porteurs de projet ne cibleront pas des cœurs de parcs nationaux, des réserves naturelles, des terrains soumis à des arrêtés préfectoraux de protection de biotope ou des sites classés. Ils sont strictement protégés par la loi. Par ailleurs, il en est de même des sites où se concentrent des espèces menacées ou des espèces sensibles aux éoliennes ou emblématiques, comme dans les sites Natura 2000 ainsi que sur les grands couloirs de migration bien identifiés. Il faudra tenir compte des études sur les changements de voies de migrations liées au changement climatique. Certaines espèces comme les chiroptères (appelées couramment chauves-souris) ne sont pas seulement impactées par les collisions potentielles, mais sont également victimes de barotraumatismes, c’est-à-dire d’un traumatisme pouvant aller jusqu’à l’éclatement des poumons, liés au passage du chiroptère près des pales en mouvement qui crée une chute soudaine de la pression extérieure.

L’un des principaux documents stratégiques territoriaux qui peut constituer une aide à la décision est le schéma régional éolien (SRE). Il référence les endroits susceptibles d’avoir des impacts sur la biodiversité (réserves naturelles, réserves biologiques, forêts et bocages, zones d’incidence potentielle pour l’avifaune et les chiroptères). Attention cependant, les zones identifiées comme favorables aux projets éoliens exposées à la fin des SRE peuvent contenir des Zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), des zones Natura 2000 ou des forêts. Le SRE n’est pas prescriptif. C’est-à-dire que le porteur de projet n’a pas d’obligation à le respecter.

Enfin, il est aussi important de faire porter une attention particulière aux Trames vertes et bleues (TVB), qui permettent de lutter contre la fragmentation des milieux. Les SRCE, les SCoT et les SRADDET sont à utiliser pour les identifier et les éviter

Copyright Vincent VignonCopyright Vincent Vignon

2. Analyse du potentiel du site

L’analyse des contraintes et les cartes du gisement éolien ne sont pas suffisantes pour garantir la rentabilité et la pertinence du projet. Il faut en effet choisir le lieu d’implantation qui a le plus fort rendement énergétique

pour limiter le nombre d’éoliennes et donc leurs impacts en particulier la consommation de foncier. Les cartes de gisement éolien permettent certes une première évaluation des différents sites potentiels, mais leur précision est trop limitée pour planifier de façon concrète l’implantation d’éoliennes. Les conditions de vent peuvent en effet varier considérablement localement en particulier dans les zones boisées ou dans les zones qui présentent des disparités de reliefs importantes avec la présence de collines par exemple.

C’est pourquoi il est nécessaire de réaliser des mesures locales de vent au plus près des sites envisagés d’implantation d’éoliennes. Ces mesures concernent essentiellement la vitesse et la direction du vent. Pour avoir une meilleure représentativité spatiale et temporelle, ces mesures doivent être effectuées en plusieurs endroits du site et sur une année au minimum. Elles s’effectuent à l’aide d’un mât pourvu d’un anémomètre et peuvent être complétées par des mesures à distance avec des appareils de type SODAR (Sound Detection And ranging) ou LIDAR (Light Detection and Ranging). Pour être reconnues par les investisseurs et les bailleurs de fonds, elles doivent être effectuées en conformité avec les normes en vigueur.

Une fois les données collectées et le profil de vent réalisés, une modélisation numérique des conditions de vent permet d’extrapoler spatialement les données, notamment en tenant compte de la topographie du site et de sa rugosité, c’est-à-dire, de l’influence de la surface du sol sur le vent. Une forêt ou des bâtiments auront ainsi tendance à freiner le vent tandis qu’un plan d’eau n’aura que peu d’influence. Ces modélisations permettront de calculer le rendement potentiel des éoliennes et de prévoir la production énergétique de l’éolienne et de l’ensemble du parc. Les incertitudes peuvent aller de 10 à 25 % constituant ainsi l’un des éléments essentiels des risques financiers pour les investisseurs. Si le projet est viable, le montage technique, financier et juridique peut commencer et une discussion avec les partenaires locaux peut s’engager. 

Pour en savoir plus

3. Premiers contacts avec les partenaires locaux

Cette étape du projet peut se dérouler en parallèle des études pour définir le gisement éolien. Elle est extrêmement importante, que le porteur de projet soit une société privée ou des acteurs de la société civile et des collectivités territoriale proches du lieu d’implantation envisagé. Dans ce dernier cas, la nature du porteur de projet ne l’exonère pas du dialogue territorial, mais elle le facilite. À moins qu’il n’émane de la commune elle-même, mieux vaut présenter le projet aux maires et aux élus municipaux le plus tôt possible notamment en soumettant le lancement des études de faisabilité à la délibération du conseil municipal. D’une part leur mobilisation est essentielle pour la réussite du projet. D’autre part, cela permet que le projet soit en bonne adéquation avec le territoire. Les élus ont en effet une bonne connaissance de ses enjeux et de ses acteurs. Ils sont par ailleurs des interlocuteurs privilégiés des habitants et garants de l’intérêt général

D’ailleurs, pour éviter les prises illégales d’intérêt, il est vivement conseillé de réaliser un recensement des propriétaires et des exploitants du site d’implantation envisagé. Sont considérées comme illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires (CGCT, article L.2131-11).

De même, il convient d’organiser plusieurs rencontres avec les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles concernés pour leur présenter le projet et définir les modalités contractuelles pour la location des parcelles concernées par le projet. Ces rencontres doivent être collectives et non pas individuelles pour développer une relation de confiance et éviter toute suspicion d’inégalités de traitement. Il faut éviter à ce stade de vouloir aller trop rapidement pour sécuriser le foncier avec une contractualisation rapide. Il faut prendre le temps de la réflexion, de la discussion et de l’information. Ce serait une erreur de ne pas considérer cette étape comme une étape clef.

Même à ce niveau de développement du projet, ce peut être pertinent de commencer à rencontrer les futurs riverains du futur parc éolien et les autres usagers du site, hors les agriculteurs : promeneurs, associations de protection de la nature ou du patrimoine, chasseurs, etc. La dimension humaine est une dimension majeure dans les projets. 

4. Contractualiser pour sécuriser le foncier

Avant de commencer toute étude, le porteur de projet doit faire signer une promesse de bail pour s’assurer de l’engagement futur des propriétaires et des agriculteurs ou exploitants des parcelles envisagées pour l’implantation du projet. Cet avant-contrat doit préciser bien entendu les éléments relatifs au loyer, à la durée et aux conditions de suspension. La promesse de bail est un contrat qui a la même valeur juridique qu’un bail et engage les parties à l’exclusivité sur 5 à 15 ans. Le loyer sera renégocié quand les études nécessaires au projet permettront de préciser les équipements qui seront installés sur les parcelles et de signer un bail de longue durée selon la superficie occupée et la répartition entre le propriété et l’agriculteur.

Pour aller plus loin